Retour sur le workshop organisé par Riccardo Wildties/ Kinbaku Luxuria (7/8 avril 2018 à Turin) et accueilli par Giuseppe Ambrosia (élève et 1er instructeur officiel de Riccardo, lui-même instructeur officiel et unique du Naka Ryu, le style d’Akira Naka ).
Je me rends compte que je ne parle pas encore de mes sources d’inspiration ou des personnes dont je suis l’enseignement. Je ne m’étendrai donc pas sur des explications techniques ici mais plus sur mon ressenti durant ces événements et le relais d’articles d’un blog dédié au Kinbaku.
Je vous encourage vivement, lecteurs passionnés, à prendre le temps de fouiner, chercher les noms cités dans Google, regarder leurs vidéos, lire des articles, bref, vous faire une culture Kinbaku !
Déjà, ce qui fait plaisir, c’est le lieu, une belle salle neuve, équipée sobrement de bambous et hashira (poutres en bois) qui va contenir durant ce weekend 16 binômes.
Pour ceux qui ont déjà participé à des workshops, quelqu’un soit le niveau, 16 binômes, c’est énormément d’éléments et de risques à gérer.
Pour des raisons de sécurité, sommes placés de façon stratégique, les newbies sur la même ligne, une ligne de vétérans (désignés par Riccardo), une ligne de newbies et ainsi de suite…
Le workshop est donné en anglais ce qui accroit ma vigilance et brouille mes notes, tantôt en français, tantôt en anglais. J’en serai d’autant plus concentrée à la mise au propre.
Nos consignes sont d’attacher dans le même sens chacun afin que les faces de toutes les poutres soient lisibles en même temps. Riccardo ne répète pas ce qu’il a dit lors de son workshop Strappado (bras tendus attachés dans le dos) mais qui est très juste : s’il vient à mettre les mains dans nos cordes, le laisser faire et reculer d’un pas. Inutile de s’agripper à un bout de corde.
Efficacité et sécurité sont les maîtres mots de son enseignement.
Important brief sur la sécurité, Riccardo insiste sur le fait qu’il ne faut jamais, d’une manière générale, avoir honte de demander à être assisté durant un training par un attacheur plus expérimenté et surtout de ne pas tenter de reproduire cela tout seul dès notre retour au bercail. Le contenu de ce weekend doit nous durer un an de travail assidu avant de poster une photo décente et commencer à envisager d’autres variations.
Humilité et travail. Deux autres mots clefs.
J’ai la pression car ma partenaire et moi ne nous sommes pas vues depuis 10 mois et qu’elle ne se fait pas attacher en dehors de nos sessions. Mais c’est là toute la magie de notre relation, un profond sentiment de confiance nous unit. Je fais absolument confiance à ses feed-back, lesquels, même la tête en bas et pleine d’endorphines, sont toujours suffisamment précis et elle me fait confiance en retour.
Dès que nous nous retrouvons sur le tatami, je ressens que notre connexion est toujours aussi forte. Elle est même galvanisée par l’ambiance. Il y a un concentré de bons binômes au mètre carré !
Attacher contre une hashira, c’est encore d’autres paramètres à prendre en compte. Très différents d’une suspension. Des éléments de contrainte supplémentaires, des calculs à faire, des options à choisir. Il faut réfléchir, anticiper, comprendre. La nécessité d’avoir des basics (harnais de base tels que le TK, futomomo, hashi shibari) solides est indispensable.
On pourrait croire que le 1er exercice est facile vu ce qui nous attend mais pas du tout. On attaque par un bondage en position verticale, tout simple d’apparence mais qui est déterminant pour comprendre comment attacher sur une poutre. Les explications de Riccardo me permettent d’identifier immédiatement ce qui n’allait pas sur mes essais « maison ».
Consciente de ma lenteur sur cet exercice, je préfère ne pas faire la variation et préserver les forces de Lila.
Comme l’a dit Riccardo le mois dernier, toujours avancer par palier. Ne pas sauter sur la marche 2 quand on est pas certain de la 1ère. Inutile de regarder si les voisins font plus ou mieux, rester focus, faire peu mais bien plutôt que bâcler pour terminer et photographier.
Une pattern en inversion suit et je n’ose basculer la frêle Lila. Riccardo me montre comment faire, ça a l’air simple quand on ne doute pas !
Nous sommes tous studieux, je n’ose même pas la quitter du regard plus de 3 secondes et les gémissements étouffés alentour témoignent de l’intensité.
Toutefois, ne poussant pas Lila trop longtemps, j’ai le plaisir d’apercevoir en vrai le travail des personnes que je suis sur les réseaux sociaux, de rencontrer la communauté internationale. Je me sens super chanceuse d’être là, au milieu de tous.
Des pauses de 10min maximum entre chaque exercice, durant lesquelles nous avons à discrétion un buffet garni de collations et boissons fort appréciable.
Nous reprenons avec un semi écart contre la hashira qui nécessite une bonne analyse de la mécanique du corps. Si l’exercice n’est pas réussi, c’est plus dû à un manquement de l’attacheur qu’un problème de souplesse de l’attaché.
Une dernière pattern dans le style Naka bien géométrique et pas si évidente à réaliser. Riccardo insiste, il faut garder son calme, son contrôle, de ne pas se laisser dépasser par la situation.
La journée du samedi s’achève dans un excellent restaurant non loin, un moment idéal et privilégié pour faire connaissance, échanger quelques blagues autour d’un – plusieurs- verres.
Le dimanche, mon index me fait souffrir comme jamais, entre les restes de ma tendinite et ma peau qui tire, brûle et à la fois, je ne sens plus rien; mon nerf est à vif.
Une pattern en inversion avec pour harnais principal un Strappado, suivi d’un exercice inspiré du style de Chimuo Nureki qui me met en difficulté, pour le moment je me contente dans ma pratique, de construire des harnais avec des lignes de suspensions simples. Je n’ai pas encore cette culture, cette approche d’ajouter des cordes en masse et saturer – intelligemment et de façon harmonieuse mon travail. Car la subtilité ici est bien de construire une image qui semble bordélique.
Je suis perdue et les mots de Riccardo résonnent « ne pas chercher à reproduire, comprendre ! » Je sens bien au fond de moi, qu’à ce moment, mon intention est tournée vers moi : essayer de faire quelque chose et non plus vers Lila pour essayer de lui transmettre quelque chose. Ma partenaire est compréhensive, elle accepte la contrainte et s’abandonne dans les cordes, m’offrant la beauté de sa souffrance.
Car au-delà de la technique, on travaille l’esthétique et l’intention.
Celle de Riccardo est toujours époustouflante. Red Sabbath, dans ses cordes, est poignante. En février, j’en avais pleuré face à ce paradoxe, la complexité de sa vulnérabilité et de sa force et je n’en suis pas loin dimanche sur un exercice particulier. Objectifiée, Red est incapable, tant l’émotion est forte, de faire un feed back une fois détachée, mais le Kinbaku se passe de mots. Voici tout de même un article datant d’il y a 3 ans.
Nous « soufflons » et finissons la journée avec 2 exercices au sol, axés communication qui génèrent beaucoup d’émotions aux personnes attachées et où, en tant que riggers (attacheurs) avons plus de marge de manœuvre et de jeux.
Bilan du workshop : intensif, grisant, crevant, régénérant… Plein de rires, de larmes, d’émotions, de photos… Une quantité de travail à rapporter, laisser décanter, remettre au propre, essayer, comprendre et une motivation intense pour continuer !
PS La salle de Giuseppe accueille régulièrement workshops/cours et jams à des prix corrects et surtout avec un niveau qui fait très plaisir, dans le style de Riccardo. Si vous passez par Turin, une bonne adresse !